Comment la France lutte-t-elle contre la précarité menstruelle ?
« Serait-ce donc un luxe d’avoir ses règles ? » : c’est en ces termes que le collectif « Réglez moi ça ! », qui réunit des lycéen.ne.s, étudiant.e.s et jeunes actif.ve.s engagés contre la précarité, interpellait la société et l’Etat dans une tribune publiée le 9 octobre 2019 dans le quotidien Libération.
Un cri d’alarme et de révolte face à la persistance en France de la « précarité menstruelle », un phénomène mal connu tant les femmes concernées ont du mal à en parler : aujourd’hui, en France, 1,7 millions de femmes (essentiellement des étudiantes pauvres, des travailleuses précaires, des femmes incarcérées et des femmes à la rue) n’ont pas les moyens de s’acheter des protections hygiéniques.
Avec tous les risques sanitaires que cela comporte : protections gardées trop longtemps, ou bricolages périlleux avec des mouchoirs en papier, du tissu, des vieux journaux ou même du plastique… Et des conséquences sociales à la chaîne : selon un sondage de l’IFOP, 21% des femmes en situation de précarité menstruelle déclarent ne pas aller à l’école ou au travail lorsqu’elles ont leurs règles, avec à la clé une dérive possible vers la déscolarisation, l’exclusion et la dépression ; tandis que d’autres prennent le risque de voler serviettes hygiéniques ou tampons …
Pour Jessica Spina, auteure du Guide pratique du flux instinctif libre et psychothérapeute, une solution serait d’apprendre aux femmes, et en particulier les plus précaires, à se reconnecter à leur corps pour apprendre et maîtriser la technique du flux instinctif libre, qui supprime l’usage des protections. Une belle idée certes, mais loin d’être évidente à mettre en œuvre.
Les protections intimes sont des produits de première nécessité
Face à ce fléau, les actions citoyennes se multiplient, notamment sur les réseaux sociaux, et la puissance publique est sommée de réagir. Première mesure significative : au 1er janvier 2016, le taux de TVA applicable aux protections périodiques est passé de 20% à 5,5% comme pour tous les produits de première nécessité. Un résultat appréciable (mais très insuffisant) pour le collectif Georgette Sand qui martèle une évidence : avoir ses règles, ce n’est pas optionnel !
Vers la gratuité des protections hygiéniques ?
En mars 2019, le député Bastien Lachaud (FI) déposait un projet de loi réclamant la mise à disposition de produits soumis à contrôle sanitaire et remboursés. Et le 28 mai 2019, à l’occasion de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, confiait à la sénatrice La République en marche (LRM) Patricia Schillinger une mission visant à étudier un dispositif expérimental de distribution gratuite et permanente de protections bio dans les lieux publics.
Sa conclusion ? “La gestion de l’hygiène féminine et l’accès à des protections périodiques relèvent des droits humains : de la dignité, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’accès à l’éducation, de la santé des femmes“. Des mots, assortis de pistes d’action dont cependant aucune n’a abouti pour l’heure…
Des initiatives intéressantes contre la précarité menstruelle
Plusieurs institutions ont néanmoins pris les devants comme la Mairie du Xème à Paris qui a équipé cinq collèges publics en distributeurs de protections gratuites et bio.
Ou encore des Universités comme Rennes 2 ou la Sorbonne qui ont organisé des distributions sur leur campus. On peut également saluer la démarche mise en oeuvre à Nanterre par le Collectif féministe qui a distribué en septembre 2019 six mille serviettes hygiéniques jetables en coton biologique, 900 serviettes lavables et 100 « cups ».
Les étudiantes, sensibilisées aux enjeux sanitaires et environnementaux, ont plébiscité les serviettes lavables, et avoué que, si elles en avaient les moyens, elles opteraient pour les culottes absorbantes lavables.
Rêvons d’un monde où l’Etat offrirait à toutes les femmes en situation de précarité menstruelle des jolies culottes de règles.