Les premiers pas du congé menstruel en France
Selon un sondage réalisé en mars 2021 par l’IFOP pour 20 Minutes et Eve and co sur la précarité menstruelle, 68 % des Françaises seraient favorables à la mise en place d’un congé menstruel en entreprise. Un chiffre qui monte même à 78% chez les 15-19 ans. Si l’idée paraît séduisante a priori et commence à faire des émules, elle n’est pourtant pas toujours évidente à mettre en œuvre et ne fait pas l’unanimité chez les féministes, pourtant promptes à défendre la cause des femmes. Focus sur les premiers pas du congé menstruel en France.
Inédit en France : une entreprise instaure un congé menstruel pour ses salariées aux règles douloureuses
Si vous tapez « congé menstruel en France » dans un moteur de recherche, vous tomberez sur une multitude d’articles. Grands quotidiens, presse régionale, revues féminines, magazines RH, chaînes tout info…, tous les médias se sont emparés de la nouvelle pour la commenter et l’analyser : depuis janvier 2021, une entreprise de Montpellier offre à ses collaboratrices la possibilité de prendre un congé menstruel, et c’est une grande première en France.
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A Montpellier, une entreprise saute le pas
La société coopérative de production « La Collective », spécialisée dans le recrutement de donateurs pour les grandes ONG et associations caritatives, emploie à Montpellier une cinquantaine de salarié.e.s, dont 16 femmes. C’est Jessica Martinez, salariée associée, qui a alerté les co-gérants sur le sujet : « Certaines femmes ne venaient pas au travail et perdaient un jour de salaire à cause de leurs règles, ou se forçaient à venir malgré la douleur ».
Un constat qui a été entendu par Michael Mezi et Dimitri Lamoureux, qui ont compris que le congé menstruel pouvait constituer une « avancée sociale importante pour favoriser la qualité de vie au travail et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ».
C’est ainsi que depuis janvier 2021, dans un système basé sur la confiance, chaque salariée de La Collective peut bénéficier d’une journée par mois de congé menstruel, sans certificat médical, en avertissant simplement le jour même le directeur administratif par mail. L’entreprise s’engage à garder l’information confidentielle, à payer l’intégralité du salaire dû pour cette journée, et à ne pas additionner cette absence aux traditionnels arrêts de travail : les règles ne sont pas une maladie, comme l’endométriose, par exemple.
Au delà du congé menstruel, des initiatives voient le jour
L’initiative de la coopérative de Montpellier a le mérite de mettre en lumière la question de la prise en compte des douleurs menstruelles au travail. Elle ouvre la voie à une réflexion transparente et pragmatique, assortie de réponses concrètes :
- développement du congé menstruel bien sûr, mais aussi du télétravail, qui permet aux femmes de rester chez elles, dans un environnement plus confortable ;
- mise à disposition de salles de repos dans les entreprises ;
- encouragement de la pratique d’un sport adapté ;
- informations sur les médecines douces, etc.
Pour Elise Thiébaut, journaliste et auteure de « Ceci est mon sang », le sujet est essentiel : « Ici, je ne pense pas aux cadres qui ont accès aux toilettes et gagnent convenablement leur vie, mais aux femmes qui se lèvent tôt pour faire des ménages loin de chez elles, celles qui travaillent de nuit, dans la restauration, l’hôtellerie, la vente… des métiers physiques qui ont un impact sur la façon de vivre les règles ».
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Le congé menstruel à l’étranger
Les initiatives sont encore modestes au niveau européen, comme en témoigne l’exemple luxembourgeois : le 6 octobre dernier, les députés et ministres compétents ont en effet débattu à la Chambre suite à une pétition citoyenne (4800 signatures) demandant à ce que les femmes puissent bénéficier de congés quand elles ont leurs règles.
La requête n’a pas été acceptée, mais les élus ont assuré que « les discussions continueront pour trouver des solutions pour celles souffrant particulièrement de menstruations douloureuses au travail » et ont insisté sur la nécessité de davantage sensibiliser les employeurs sur le sujet. Dont acte.
Mais plus loin, un certain nombre de pays expérimentent déjà le congé menstruel :
- le Japon (depuis 1947 !),
- la Corée du Sud,
- Taiwan,
- la Zambie,
- l’Indonésie,
- ou encore l’Australie.
Deux initiatives intéressantes à noter : en Inde, l’équivalent local d’UberEats a décidé récemment d’accorder 10 jours par an de congés menstruels à ses employé.e.s femmes ou transgenres, en cas de règles douloureuses. Une façon de tenter de lever le puissant tabou qui subsiste en Inde autour des règles. Quant à l’Opéra de Kiev (Ukraine), partant du constat que les menstruations ont un effet direct sur l’état des cordes vocales, il offre chaque mois un congé menstruel à ses artistes.
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Le congé pendant les règles, une fausse bonne idée ? Éclairage
Face à ce que l’on aurait spontanément tendance à considérer comme une avancée, les associations féministes sont beaucoup plus réticentes, considérant dans leur ensemble qu’il s’agit d’une « fausse bonne idée ».
Ecoutons Ophélie Latil, fondatrice du collectif Georgettes Sand : « Le congé menstruel essentialise les femmes parce qu’il associe les règles à la douleur, et cela ajouterait une méfiance supplémentaire dans le cas d’embauche de femmes en entreprises. On est déjà suffisamment discriminées ».
Ou encore Tara Heuzé-Sarmini, directrice générale de l’association Règles élémentaires : « Ce n’est pas une revendication que nous portons. Au niveau macro, le risque d’une généralisation serait d’entraîner encore plus de discriminations envers les femmes. Les règles ne sont pas censées être douloureuses ».
De fait, toutes ces associations plaident d’abord pour une réelle détabouisation du sujet des règles (et des problématiques connexes comme la précarité menstruelle) : c’est alors seulement que l’on pourra envisager l’opportunité d’accorder le cas échéant un congé menstruel.
Au sein de la team Réjeanne, les discussions sont animées sur le sujet du congé menstruel, vous vous en doutez. En tout cas, nous sommes unanimes sur un point : les femmes doivent pouvoir vivre le plus confortablement et sereinement possible leurs règles quand elles sont au travail. Et c’est bien pour cela que nous leur proposons nos jolies culottes de règles ! Elles ne feront pas disparaître vos douleurs menstruelles, mais à coup sûr les adouciront…