Les règles dans le monde : le Kenya
Le 6 septembre 2019, Jackline Chepngeno, une jeune fille kenyane de 14 ans, se suicidait après que son professeur l’ait publiquement humiliée en cours parce qu’elle avait ses règles et qu’elle avait taché son uniforme.
Les autorités prévenues par la mère de la jeune fille n’ont jamais donné suite à sa plainte. Quant aux parents d’élèves qui sont venus manifester devant l’école, ils ont été dispersés par la police à coups de gaz lacrymogènes. Ce fait divers tragique a remis sur le devant de la scène un sujet qui reste encore largement tabou au Kenya, obligeant les jeunes femmes à recourir à des expédients dangereux.
Au Kenya, culpabilité, stigmatisation et tabou des règles
Comme dans beaucoup de pays d’Afrique, les règles restent un sujet très difficile à aborder au Kenya, même en famille. En cause un modèle de société patriarcal qui relègue les questions féminines au dernier plan ; l’extrême pauvreté qui peut inciter les jeunes filles à cacher, y compris à leur mère, qu’elles ont leurs règles, par peur d’imposer à la famille ce nouveau fardeau économique ; et la persistance de tabous qui associent les menstruations à l’impureté. Les règles deviennent ainsi un sujet de honte, qu’il faut à tout prix cacher, si bien que, selon un rapport de l’Unicef, une fille sur dix en Afrique subsaharienne ne se rend pas à l’école pendant ses règles.
De nombreuses ONG interviennent dans les classes pour tenter de libérer la parole, mais comme l’explique Mercy Aloo, formatrice pour The Cup Foundation au Kenya, la route est longue, les écolières osent à peine déposer anonymement sur son bureau leurs questions écrites sur des bouts de papier pliés en quatre.
Quelles protections périodiques au Kenya ?
En 2017, le Kenya a adopté une loi ordonnant la fourniture gratuite de serviettes périodiques aux écolières, en plus d’un programme d’éducation sexuelle, mais la directive est très loin d’être appliquée… Face au coût prohibitif des protections, les jeunes femmes font donc avec les moyens du bord : papier toilette, journaux, rembourrage de matelas, bouts de torchon, morceaux de couverture, matières végétales comme des feuilles sèches, de l’herbe, ou même du fumier … Cela au risque de contracter de graves infections, d’autant que 76 % des femmes et des filles au Kenya ont un mauvais accès à de l’eau propre ou à des sanitaires pendant leurs règles. Sans parler de l’inefficacité de telles « protections » qui fuient fréquemment et causent des irritations, ce qui rend très compliquée l’assiduité à l’école.
Au Kenya, le sexe contre des serviettes périodique
Autre solution, au Kenya, une fille de 15 ans sur 10, essentiellement dans les bidonvilles et les zones rurales se prostitue en échange de serviettes hygiéniques : « C’est la population la plus à risque. Elles viennent d’avoir leurs règles. Elles sont moins averties et moins susceptibles d’avoir de l’argent pour s’acheter des protections que des femmes plus âgées », explique la chercheuse britannique Penelope Phillips-Howard.
Une pratique qui met en danger les femmes et relève clairement de l’oppression et de l’exploitation. La crise du COVID n’a fait qu’aggraver la situation, avec la fermeture des écoles, et donc la fin des distributions gratuites de protections là où elles avaient cours.
L’« activisme menstruel » pour briser le tabou des règles
Dans de nombreuses parties du monde, à l’image du Kenya, les inégalités de genre, l’extrême pauvreté, les crises humanitaires et le poids des traditions génèrent une très forte précarité menstruelle qui pèse lourd sur les droits des femmes, puisqu’elle compromet d’autres droits comme celui à la santé ou à l’éducation.
La priorité est donc de briser le tabou des règles, et cela passe par l’éducation, des filles comme des garçons. C’est ce à quoi s’appliquent dans le monde entier les « activistes menstruelles ». Chez Réjeanne, nous sommes complètement solidaires de ces militant.e.s, et avec nos jolies culottes menstruelles nous espérons vraiment contribuer au coming out des règles !
Nos dossiers : Tour du monde des règles :